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La ronce, épineuse gourmandise


Ronce - Rubus fruticosus
Ronce - Rubus fruticosus

La ronce est une des plantes qui teste le plus notre courage de s'y frotter mais qui ne manque pas d'usage. Elle a l'avantage d'être facile à reconnaitre et extrêmement commune ! J'espère qu'avec la lecture de cet article vous regarderez désormais d'un autre œil cette plante souvent malaimée et pourtant qui a tant à nous offrir toute l'année ! Médicinale, comestible et importante pour la biodiversité, ne vous arrêtez pas à ses épines et n'hésitez pas à lui laisser une place chez vous ou dans votre cuisine ! D'autant plus que les mûres sont mûres...


 

La reconnaître et l'observer

La ronce regroupe de très nombreuses espèces qu'il est bien difficile à identifier même pour les botanistes chevronnés. En effet Jack Helstop Harringston, directeur des Jardins botaniques de Kew estimait le nombre d'espèces décrites dans le monde à plus de 2000 dans les années 1970 ! L'ensemble de ces espèces sont regroupées sous le nom latin Rubus fruticosus et sont appelées selon les régions : ronce ligneuse, ronce des bois, ronce des haies, ou mûrier (mais ce dernier nom peut porter à confusion avec l'espèce importée d'Asie pour la culture des vers à soies). La ronce est un sous-arbrisseau très commun en France et présent partout en Eure-et-Loir. Cette espèce apprécie les haies, les clairières, les lisières de bois, bords de chemin et friches qu'elle colonise à vitesse éclair dès qu'elle s'y implante.


Botanecdote : La ronce regroupe en fait des milliers d'espèces différentes ! Les botanistes estiment à 2000 le nombre d'espèces dans le monde. Un vrai casse tête pour les identifier avec précision... Paul-Victor Fournier écrivait ainsi "Si les ronces constituent pour le botaniste un épouvantable maquis, pour le vulgaire la chose est beaucoup plus simple ».
Achillée millefeuille - Achillea millefolium
Ronce commune - Rubus fruticosus

La ronce commune est une espèce de la famille des rosacées, famille très cosmopolite regroupant les fraisiers, les framboisiers, les pommiers, les cerisiers, les rosiers, les églantiers et de nombreuses autres espèces.


Vous connaissez sûrement déjà les ronces pour peu que vous soyez un.e habitué.e des balades en forêt et que vous avez expérimenté son côté attachant notamment sur vos vêtements ! Mais observons un peu plus cette plante qui cache bien des surprises.

Pour commencez la ronce est un sous-arbrisseau de 30 cm à 2,5 m très épineux. Elle forme des fourrés impénétrables appelés roncier. La ronce forme des tiges biannuelles à moelle blanche. La tige de la première années est appelée turion. Elle est feuillée, dressée et anguleuse et porte de nombreux aiguillons recourbés. Cette tige monte puis se recourbe et va se replanter par marcottage. Technique très pratique pour coloniser rapidement un espace ! La tige de la 2e année porte des rameaux florifères, elle perd ses feuilles après la fructification, se lignifie et meure.

Les feuilles sont alternes, composées-palmées à 5 folioles sur les turions et à 3 folioles sur les tiges de 2 ans. Les feuilles ont des stipules longues et étroites. La présence de stipules est une caractéristique fréquente de la famille des rosacées ! Les folioles sont pubescents et pétiolulés. Le limbe des folioles est denté. Le pétiole et la nervure centrale sont munis d'aiguillons acérés.

Les inflorescences forment des grappes de fleurs blanches à rose pâle. Les fleurs sont pentamères (5 pétales et 5 sépales). Les pétales sont libres et se détachent d'ailleurs très facilement. Il est très fréquent d'observer des fleurs dont il manque une ou deux pétales si ce n'est plus ! Les étamines et les carpelles sont très nombreux. Les ronces fleurissent tout l'été sur plusieurs mois.

Les fruits, bien connus et appelés mûres, sont en réalité des polydrupes c'est à dire un regroupement de drupéoles, chaque drupéole étant un fruit ! Lorsque vous regardez une mûre c'est en fait un véritable panier de fruit que vous tenez entre vos mains. Incroyable non ? Les graines contenues dans les mûres sont disséminés en grande partie grâce aux animaux qui s'en nourrissent. On parle de zoochorie et plus précisément endo-zoochorie. Les graines ne sont pas digérées et vont retourner à la terre avec les déjections des animaux gourmands (dont nous faisons aussi partie).


La ronce peut être confondue avec le framboisier (Rubus idaeus) qui est aussi une ronce d'un point de vue botanique, car il appartient au genre rubus ! Cependant le framboisier est reconnaissable par la blancheur de l'envers de ses feuilles. La ronce peut aussi être confondue avec le mûrier (Morus nigra ou Morus alba) dont les fruits ressemble beaucoup aux mûres et qui fut implanté en France pour l'élevage des vers à soie ! Le mûrier est un arbuste originaire d'Asie qui a des feuilles simples contrairement à la ronce.


Botanecdote : Deux fruits d'espèces très différentes sont appelées mûres ! En effet la mûre peut désigner le fruit de la ronce ou le fruit du mûrier, importé d'Asie pour l'élevage des vers à soie. Les deux sont comestibles et délicieux !

Récapitulons la description de la ronce :

  • Ecologie : clairière et lisière de bois, bords de chemins, friches

  • Port : sous-arbrisseau très épineux à tiges biannuelle formant des ronciers

  • Feuille : alternes, composées palmées à 3 ou 5 folioles stipulées. Le limbe est denté, le pétiole et la nervure ont des aiguillons

  • Fleur : grappe de fleurs pentamères blanches ou rosées avec de nombreux carpelles et étamines

  • Fruit : polydrupe noir à maturité




 


Que faire avec la ronce ?

Pour commencer, la ronce est un refuge pour la biodiversité. Elle offre le gîte et le couvert à de nombreux petits animaux, elle est mellifère et permet de nourrir de nombreux insectes pollinisateurs lorsque les fleurs se font un peu plus rare en fin d'été. La ronce est une espèce pionnière et permet à la forêt de s'implanter petit à petit. En effet, elle va protéger les jeunes arbres de l'herbivorie et elle disparaîtra une fois la forêt bien implantée. La ronce est la plante hôte de nombreux insectes comme des phasmes qui se nourrissent de ses feuilles et des papillons comme le Bombyx de la ronce ou le Nacré de la ronce. N'hésitez pas à lui laisser un place pour tout les services qu'elle rend !


Botanecdote : La ronce est un refuge de biodiversité ! Elle loge et nourrit de nombreux petits animaux et insectes, et prépare l'arrivée de la forêt.


Un roncier impénétrable
Un roncier impénétrable


La ronce est de plus une plante comestible. Nous savons tous que les mûres sont délicieuses de mi-août à octobre mais ce n'est pas tout ! Les fleurs sont comestibles et peuvent servir à décorer des plats par exemple. Elles n'ont pas de saveur très prononcée.

Les jeunes feuilles peuvent se consommer en salade ou ajoutées dans des sauces. Une fois plus âgées, les feuilles peuvent être fermentées puis séchées pour faire du thé. La fermentation donne une couleur noire aux feuilles et fait ressortir le goût fruité !

Les turions c'est à dire les jeunes tiges de la première années sont comestibles lorsqu'elles sont bien tendres. Il suffit de les peler puis de les ajouter crues à vos plats ou cuites comme des asperges.

Et bien sûr les mûres qui nous régalent en sirop, en confiture ou simplement avec un peu de sucre ! Je les apprécie en mélange avec le sureau noir qui est en fruit à la même période.


Botanecdote : Dans notre culture, la ronce n'a pas bonne réputation. Elle est un obstacle pour le prince Charmant retrouvant la Belle au bois dormant et elle crève les yeux du prétendant de Raiponce dans sa chute de la tour... Dans la mythologie Bulgare, les géants qui peuplaient la Terre avant les hommes craignaient les ronciers car malgré leurs grands pouvoirs et leur force physique, il ne les voyaient pas à temps et s'y trouvaient empêtrés !

La ronce et notamment ses feuilles ont été utilisées traditionnellement pour leurs propriétés médicinales notamment pour leur richesse en tanins et flavonoïdes. Les tanins ont des effets astringent, veinotonique, cicatrisant et hémostatique. La ronce est ainsi utilisée an cas de diarrhée, d'insuffisance veineuse et contre de nombreuses affections buccales en bain de bouche.


Les mûres peuvent aussi être utilisée pour un usage tinctoriale, ont le comprend aisément en observant la couleurs de nos doigts après une cueillette fructueuse ! Les tons roses à violets se révèlent selon le mordant utilisé.




Avez-vous déjà profité des nombreux bénéfices de la ronce ? Quelle est votre usage ou votre recette préférée ? Avez vous déjà observer la biodiversité hébergée dans les ronciers ?


 

Lexique

Aiguillon : excroissance piquantes qui naissent de l'écorce ou de l'épiderme de certaines plantes, distinctes des épines qui sont un prolongement de la partie ligneuse de la plante.

Alterne : adjectif désignant des feuilles disposées de chaque côté de la tige, à des hauteurs différentes.

Astringent : propriété de certaines substances à produire une sensation de contraction sur les muqueuses buccales

Cicatrisant : qui favorise la cicatrisation des plaies cutanées.

Composé : Feuille composée, formée de plusieurs folioles reliées à un pétiole commun

Drupéole : Chaque petite drupe qui constitue un fruit composé de plusieurs drupes. Dans la framboise ou la mûre, chacun des petits grains est en fait une petite drupe appelée drupéole.

Flavonoïdes : métabolites secondaires des plantes vasculaires, partageant tous une même structure de base formée par deux cycles aromatiques reliés par trois carbones

Grappe : inflorescence simple, c'est-à-dire un ensemble de fleurs disposées selon un certain ordre sur un axe commun.

Hémostatique : qui arrête les hémorragies.

Inflorescence : mode de groupement des fleurs d'une plante, ou groupe de fleurs potées par un rameau dont toutes les feuilles sont des bractées.

Lignifier : Action de se lignifier, d'être converti en bois ; modification des membranes de certaines cellules par association de la lignine à la cellulose

Limbe : Le limbe d'une feuille de végétal est la partie de cet organe située à l'extrémité du pétiole. Cette pièce foliaire est en général très étalée et comporte de nombreuses cellules photosynthétiques, car c'est un organe particulièrement adapté à la capture de l'énergie lumineuse.

Marcottage : Mode de multiplication des végétaux consistant à provoquer le développement des racines sur une portion herbacée ou ligneuse de jeunes rameaux, puis à séparer ces derniers du pied d'origine afin d'en obtenir une nouvelle plante.

Nervure : Ensemble des vaisseaux conducteurs de la sève formant un réseau à la surface d'une feuille, d'un sépale ou d'un pétale.

Palmé : Qui possède un nombre impair de nervures qui se détachent au point de contact entre le pétiole et le limbe.

Pentamère : Se dit d'une fleur, d'une étoile de mer ou de tout autre organe ou organisme à symétrie radiale d'ordre cinq.

Pétiole : pièce foliaire, reliant le limbe à la tige.

Polydrupe : Ensemble de drupes qui proviennent de carpelles libres d'une fleur unique qui évoluent individuellement en petites drupes (drupéoles).

Pubescente : se dit d'une plante ou d'une partie de plante portant des poils fins, souples, courts, plus ou moins espacés.

Rameau : ramification latérale de nature caulinaire, développée à partir d'un bourgeon et portant ou non des feuilles

Tanins : Substance amorphe très répandue dans le bois, l'écorce, les feuilles et/ou les racines de nombreux végétaux, apte à transformer la peau en cuir.

Tinctorial : Qui sert à teindre.

Turion : Bourgeon souterrain ou formé à fleur de terre par une plante vivace.

Veinotonique : qui améliore la tonicité des parois veineuses.

Zoochorie : Dispersion des graines végétales par les animaux ; caractère des espèces dont les graines sont dispersées par les animaux. On parle d'endozoochorie lorsque les graines sont dispersées via le système digestif des animaux, ou d'exozoochorie lorsque les graines sont dispersées de manière passive par les animaux donc via leurs pelage par exemple.


 

Ressources et liens


CORDIER J., DUPRÉ R., BELLENFANT S. & GAUTIER S. 2021. — Atlas de la flore du Centre-Val de Loire. Muséum national d'Histoire naturelle, Paris (ISBN 9782366622812)


G. Debuigne, F. Couplan - Le petit Larousse des plantes qui guérissent, 500 plantes et leurs remèdes - Edition Larousse 2013, 2019 (ISBN 9782035968500)


Paul-Victor FOURNIER - Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France - Editions Omnibus 2010 (ISBN 9782258084346)


F. COUPLAN, E. STYNER - Plantes sauvages comestibles et toxiques - Editions Delachaux et Niestlé 2018 (ISBN 9782603025475)


S. G. FLEISCHHAUER, J. GUTHMANN, R. SPIEGELBERGER - Plantes sauvages comestibles, les 200 espèces courantes les plus importantes, les reconnaître, les récolter, les utiliser - Editions Ulmer 2019 (ISBN 9782379220715)


Hervé GUIRRIEC, Jean-Yves KERHOAS - Fleurs sauvages au fil des saisons - Botanique, Histoire et Légendes, Editions Locus Solus 2023 (ISBN 9782368334270)










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