Je vous propose de découvrir ensemble une famille botanique de premier ordre pour l'humanité par ses multiples usages, et dont nous avons domestiqué et sélectionné de nombreuses espèces ! La famille des rosacées ou Rosaceae en latin est une famille très polymorphe qui regroupe des espèces que vous consommez très régulièrement ! Certaines espèces restent cependant peu connues même en France et constituent un véritable cauchemar d'identification pour les botanistes chevronnés... Plongeons dans le monde fascinant de cette famille !
Quelles espèces ?
La famille des Rosacées fournit l'essentiel des fruits consommés en régions tempérées... Et oui ! Les pommes, poires, cerises, framboises, fraises, prunes, pêches, nectarines, abricots, coings, nèfles, amandes,... sont tous des fruits issus d'espèces de cette famille ! En sauvage en Eure-et-Loir, vous pouvez rencontrer les espèces du genre Rubus regroupant les ronces (Rubus fruticosus) et les framboisiers (Rubus idaeus), l'églantier (Rosa canina) et autres rosiers sauvages, l'aubépine (Crataegus monogyna ou Crataegus laevivata), le prunelier (Prunus spinosa), les alchémilles (Alchemilla sp.), potentilles (Potentilla sp.), et bien d'autres... Dans le monde, cette famille regroupe environ 90 genres et 2950 espèces, alors qu'en France on estime à 250 le nombre d'espèces présentes regroupées en 30 genres. C'est sans compter le manque de connaissance sur certains complexes comme la ronce qui regrouperait 700 espèces différentes rien qu'en France selon les batologues (botanistes étudiant le genre Rubus).
Botanecdote : Selon les batologues, il y aurait en France plus de 700 espèces de ronce ! En effet, la ronce (Rubus fruticosus) regroupe des espèces très variables qui ont tendance à s'hybrider entre eux... Un vrai cauchemar pour les botanistes qui tentent de relever le défi de l'identification. Un même roncier pour regrouper 3 ou 4 espèces différentes !
Identifier les rosacées
La famille des Rosacées est très polymorphe, il est donc intéressant d'avoir plusieurs critères en tête car chaque espèce ne coche pas systématiquement toutes les cases ! Plus l'espèce que vous observez a des caractéristiques de cette famille, plus elle a de chance d'en faire partie.
Les Rosacées sont des herbacées souvent vivace ou des espèces ligneuses (arbre ou arbuste). Les feuilles sont alternes, stipulées et peuvent être composées de plusieurs folioles comme les feuilles de ronce (3-5 folioles) ou simples comme les feuilles de prunelier ou d'alchémille. Les stipules sont des parties foliacées insérées à l'aisselle des feuilles sur la tige. Observez par exemple une feuille de Reine des prés (Filipendula ulmaria) le long d'un ruisseau. Elle est un bon exemple de cette famille ! Les feuilles sont alternes sur la tige rougeâtre, composées de plusieurs folioles de nombre impaire (imparipennée) et la foliole terminale est nettement palmée en 3 à 5 parties. A la base du pétiole, vous pouvez observer de délicates petites stipules au nombre de 2 !
De gauche à droite : Reine des prés, Aigremoine, Petite Pimprenelle
Botanecdote : La Reine des prés est à l'origine de l'invention de l'aspirine ! En effet, elle contient de l'acide salicylique, tout comme le saule blanc (Salix alba), qui a permis de synthétiser l'aspirine dont le brevet et la marque fut déposé par Bayer en 1899. Le nom aspirine vient d'ailleurs d'acide pour acide salicylique et de Spirea ulmaria, l'ancien nom de la Reine des prés !
Certaines espèces portent des épines, que ce soit des extrémités de rameaux modifiés comme pour l'aubépine ou le prunelier, soit des aiguillons comme pour les genres Rubus et Rosa. Gare à vous qui vous aventurez dans les ronciers !
Les fleurs sont actinomorphe, généralement hermaphrodite. Les fleurs sont pentamères, elles ont 5 pétales libres et 5 sépales avec parfois la présence d'un calicule. Le réceptacle floral est soit bombé (thalamus) comme chez le fraisier des bois (Fragaria vesca) soit creusé en coupe entourant les ovaires, formant un hypanthium comme chez l'églantier par exemple.
Les fleurs portent de nombreuses étamines libres dont les anthères sont tournées vers l'intérieur de la fleur. Les ovaires sont soit supères, soit infères avec de nombreux carpelles libres ou soudés.
De gauche à droite : Ronce, Reine des prés, Fraisier des bois, Aupébine, Prunelier, Aigremoine, Églantier, Benoite urbaine
Les fruits sont très variables selon les genres, ce peut être des drupes comme pour le genre Prunus avec les cerises, prunes et prunelles, des faux-fruits charnus quand le réceptacle florale devient charnu comme pour les Genre Malus (Pommiers), Sorbus (Sorbiers) ou Crataegus (exemple : les cenelles de l'aubépine), des akènes ou polyakènes comme le genre Geum (exemple : les akènes crochus de la Benoite Urbaine - Geum urbanum), des follicules contenant plusieurs graines comme la Reine des prés (Filipendula ulmaria). Bref, impossible de généraliser pour cette famille ! Notons cependant que pour de nombreuses espèces la stratégie de dissémination des graines est souvent l'endozoochorie c'est à dire la dissémination des graines passe par le tube digestif des animaux (dont nous faisons partie) ! Les fruits mûrs, pulpeux et nutritifs, se parent alors de belles couleurs attirant les gourmands que ce soit des oiseaux ou les mammifères dont des humains ! Les graines sont alors protégées par une enveloppe protectrice qui sera altérée par les sucs digestifs. Cette paroi qui empêchait la graine de germer est ainsi fragilisée et la graine, une fois à l'air libre pourra se développer. Incroyable, non ?
Botanecdote : La fraise est un faux-fruit (eh oui !) c'est à dire que les fruits sont en réalité les petits akènes que vous pouvez observer sur la partie charnue bien rouge ! Ce que nous mangeons avec plaisir est en réalité le réceptacle de la fleur qui a gonflé et s'est chargé en sucre et éléments nutritifs dont nous raffolons.
De gauche à droite en haut : Follicules de Reine des prés, Cenelles d'Aubépine, Drupes du Prunelier
De gauche à droite en bas : Drupe du Merisier, Polydrupe de la Ronce, Cynorrhodon de l'Eglantier
Récapitulons...!
Les critères d'identifications de la famille des rosacées sont les suivants :
Famille hétérogène à grande variabilité morphologique
Plante herbacée souvent vivace ou ligneuse
Feuilles alternes, entières ou composées, stipulées
Fleurs hermaphrodites, actinomorphes, à 5 pétales libres, 5 sépales et de nombreuses étamines
Réceptacle florale en forme d'urne (hypanthium)
Fruits : Drupe ou polydrupe, akène ou polyakène, faux-fruit, follicule
La composition et les usages
La famille des Rosacées est une famille botanique de premier plan pour l'alimentation humaine. En effet la majeure partie des fruits consommées en France proviennent de cette famille ! La pomme est ainsi le 3e fruit le plus consommé dans le monde après les agrumes et la banane. En France c'est le premier fruit produit avec plus d'un million cinq tonnes par an, suivi par les pêches en 2e position. Les fruits de la famille des rosacées sont appréciés depuis longtemps pour leur richesse en glucides.
Voici une liste de quelques espèces comestibles que vous pouvez trouver dans la région au cours de l'année :
L'aubépine (Crataegus monogyna ou Crataegus laevigata) dont vous pouvez déguster les cenelles, les jeunes feuilles et les fleurs
L'églantier (Rosa canina) avec les fleurs et les cynorrhodons
Le merisier (Prunus avium) avec les petites merises
La benoite urbaine (Geum urbanum) dont les racine ont un goût de clou de girofle
Le prunelier (Prunus spinosa) dont les prunelles servent à faire de l'alcool ou peuvent de déguster blettes
Le framboisier (Rubus idaeus) et ses délicieuses framboises
Les ronces (Rubus fruticosus) dont vous pouvez déguster les fruits bien sûr, mais aussi les très jeunes feuilles et les turions au début du printemps
Les fraisiers des bois (Fragaria vesca) et ses fraises petites et goûteuses à ne pas confondre avec les fruits du fraisier de Duchesne (Potentilla indica)
La petite pimprenelle (Sanguisorba minor) dont les jeunes feuilles ont un goût de concombre
La Reine des prés (Filipendula ulmaria) dont les fleurs ont un goût de vanille et les feuilles se rapprochent du goût de la pimprenelle
Botanecdote : Avec les premières gelées vient la récolte des cynorrhodons pour les cueilleurs gourmands ! En effet les fruits bien rouges de l'églantier deviennent un peu plus mous une fois blettes. Ils peuvent être alors dégustés crus après avoir veillé à retirer les graines et les poils urticants, ou cuits en confiture. Avez-vous déjà goûté la confiture de gratte-cul ? Un délice !
De nombreuses espèces de rosacées sont riches en tanins, en hétérosides et flavonoïdes offrant de vastes propriétés thérapeutiques. Ainsi les feuilles de ronce (Rubus fruticosus), riches en tanins, sont traditionnellement utilisées en bain de bouche pour soulager les affections buccales, ou en tisane pour soulager la diarrhée. Les tanins sont responsables de l'astringence comme pour la prunelle ! La teneur en tanin diminue avec les premières gelées, c'est pourquoi les cueilleurs attendent la baisse des températures afin de profiter de ces fruits. La Reine des prés (Filipendula ulmaria) fut largement utilisée pour ses flavonoïdes ayant des propriétés drainantes, et pour ses composés salicylés en cas de fièvre.
La famille est de première importance en ornementale, les roses étant certainement les fleurs les plus cultivées et les plus populaires dans le monde ! Les rosiers cultivés sont le résultat de plusieurs millénaires de sélection. On estime à plus de 40 000 le nombre de variétés créées !
Enfin certaines espèces sont réputées pour leur bois en ébénisterie comme le merisier (Prunus avium) ou l'alisier (Sorbus sp.).
N'hésitez pas à cueillir quelques prunelles et cynorrhodons lors de vos balades hivernales. Ce sont de véritables bonbons sauvages ! Mais gare aux épines...
Lexique
Actinomorphe : Se dit d'une fleur qui peut être divisée en deux moitiés égales/identiques à partir de n'importe quel plan passant par l'axe central de la fleur.
Aiguillon : excroissance piquantes qui naissent de l'écorce ou de l'épiderme de certaines plantes, distinctes des épines qui sont un prolongement de la partie ligneuse de la plante.
Akène : fruit sec, indéhiscent, à graine unique.
Alterne : Se dit de feuilles placées alternativement le long de la tige
Anthère : Partie terminale de l'étamine qui renferme le pollen.
Astingence : Sensation de sécheresse, de rugosité et de constriction au niveau des tissus buccaux, provoquée par les tanins.
Batologue : Le batologue est un botaniste qui étudie les ronces. L'existence de cette discipline s'explique par la polymorphie des ronces.
Calicule : Deuxième calice, formé de sépales supplémentaires (bractées), insérés en dehors et dans l'intervalle des sépales ordinaires.
Composée : Se dit de feuilles constituées de plusieurs folioles rattachées au pétiole par des pétiolules. Les folioles ne sont pas des feuilles, mais des éléments d’une seule et unique feuille. Les folioles ne sont jamais rattachés à la tige, mais au pétiole et ils n’ont jamais de bourgeon axillaire.
Drupe : Fruit indéhiscent, charnu, à noyau (ex. amande, pêche, cerise…).
Endozoochorie : Mode de dispersion des graines selon lequel les graines sont ingérées par les animaux et rejetées. On peut distinguer deux sous cas : l’ornithocorie quand il s’agit d’oiseaux, et la mammaliothorie quand il s’agit de mammifères. Elles transitent le long du système digestif en résistant aux sucs et sont disséminées, intactes, dans les déjections de l’animal. Certaines plantes nécessitent que les sucs digestifs des animaux ramollissent les coques dures de leurs graines pour germer.
Entière : Se dit d'une feuille dont le limbe qui n'a ni division, ni dent, ni découpure et sans saillie.
Étamines : Organe mâle de la fleur (chez les plantes phanérogames), généralement constitué du filet et de l'anthère, situé entre la corolle et le pistil.
Faux-fruit : Produit du développement, après la fécondation, de parties de la fleur ou de l'inflorescence autres que l'ovaire (fraise, pomme, figue, etc.).
Flavonoïdes : métabolites secondaires des plantes vasculaires, partageant tous une même structure de base formée par deux cycles aromatiques reliés par trois carbones : C₆-C₃-C₆, chaîne souvent fermée en un hétérocycle oxygéné hexa- ou pentagonal.
Foliole : a foliole, parfois appelé penne ou pinnule, est une pièce foliaire constituant une des parties du limbe d'une feuille composée.
Follicule : Fruit sec, déhiscent, formé par un carpelle imparfaitement soudé.
Herbacée : Se dit d'une plante non ligneuse (dont la tige n'a pas la consistance du bois), le terme de plantes herbacées désignant pour sa part des plantes non ligneuses dont la partie aérienne meurt après la fructification.
Hermaphrodite : Se dit d'une fleur portant à la fois les organes mâles (étamines) et femelles (pistil).
Hétérosides : Substance glucidique composée d'un ou plusieurs sucres (oses) et d'une partie non glucidique, qui peut être décomposée par hydrolyse (opposé à holoside).
Hypanthium : En botanique, l’hypanthe est le nom donné au réceptacle floral lorsque celui-ci est fusionné avec la base des verticilles floraux inférieurs et prend la forme d'une urne enveloppant les ovaires. On le retrouve chez l'ensemble des espèces de la famille des Rosacées et beaucoup d'espèces de la famille des Thymelacées.
Imparipennée : désigne un nombre impair de folioles sur une feuille composée, pennée.
Infère : Se dit de l'ovaire lorsque les pièces florales sont insérées au dessus de ce dernier.
Ligneuse : Se dit d'une plante dont la tige a la consistance du bois, grâce à la lignine qu’elle contient.
Ovaire : organe creux, résultant de la soudure des bords d'un ou de plusieurs carpelles. Il constitue la base du pistil et il est directement surmonté par le style et le stigmate.
Pentamère : désigne une forme de symétrie radiaire à cinq parties.
Polymorphe : Qui peut se présenter sous des formes différentes.
Rameau : ramification latérale de nature caulinaire, développée à partir d'un bourgeon et portant ou non des feuilles.
Sépale : Chaque pièce (foliole) du calice d'une fleur.
Simple : Se dit d'une feuille dont le limbe est fait d'une seule pièce.
Stipulé : portant des stipules, pièces foliaires, au nombre de deux, en forme de feuilles réduites situées de part et d'autre du pétiole, à sa base, au point d'insertion sur la tige.
Supère : Se dit de l'ovaire lorsqu'il est situé au-dessus du point d'insertion des étamines et des pièces florales.
Tanins : Les tanins, ou tannins, sont des composés de la famille des phénols, le plus souvent hydrosolubles, d’origine végétale et qui possèdent la capacité de précipiter les protéines, alcaloïdes ou polysaccharides en solution aqueuse.
Thalamus : Réceptacle florale convexe, plus ou bombé ou conique.
Vivace : plante qui vit plus de deux années (opposé à plante annuelle).
Ressources et liens
Yann Fragnière, Nicolas Ruch Evelyne Kozlowski, Gregor Kozlowski - "Connaissances botaniques de base en un coup d'oeil, 40 familles de plantes d'Europe centrale", Les éditions Ulmer 2020 (ISBN 9782379221217)
Régis Thomas, David Busti, Margarethe Maillart - Petite flore de France : Belgique, Luxembourg, Suisse - Editions Belin 2018 (ISBN 9782410013184)
Philippe Martin, Bertrand Schatz, Benoît Garrone - Stratégies végétales : petits arrangements et grandes manoeuvres - Edition Les écologistes de l'Euzière 2011 (ISBN 9782906128286)
CORDIER J., DUPRÉ R., BELLENFANT S. & GAUTIER S. 2021. — Atlas de la flore du Centre-Val de Loire. Muséum national d'Histoire naturelle, Paris (ISBN 9782366622812)
L’endozoochorie - par Océane Bartholomée, article du 12 avril 2018 publié par Mathilde Chasseriaud dans le Magazine des sciences de RCF-Isère (https://www.echosciences-grenoble.fr/communautes/le-magazine-des-sciences-de-rcf-isere/articles/l-endozoochorie-par-oceane-bartholomee)
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